Les mots de Laurent Danchin

Laurent Danchin, écrivain, Commissaire d'expositions, spécialiste de l'art brut et singulier a aimé le travail de Christine Busso et a accepté d'aider à le faire connaître.

Voici des extraits de ses échanges, par mails, avec Marie-Claude Busso, maman de l'artiste, alors qu'il était gravement malade, en 2015 et 2016.

Il est décédé en janvier 2017.

Les premières impressions de Laurent :

 

Le 16 septembre 2015

Chère Madame, votre lettre sur l'activité artistique de votre fille me touche,
entre autres pour une raison que vous comprendrez en lisant le petit communiqué
que je vous joins en fin de ce message (il date du printemps dernier, et je suis
actuellement, comme vous, en convalescence, et donc pas aussi disponible que je
ne le voudrais).

Entendu pour vous rencontrer en novembre, mais si vous pouviez vous déplacer
jusque chez moi (j'habite dans le 15ème, derrière Montparnasse, au 31, rue La
Quintinie. Tel 01 40 43 00 07).

Récrivez moi (
laurent.danchin@free.fr) dès que vous vous sentirez en état de
voyager et nous fixerons un rendez-vous.

Ce que vous écrivez des oeuvres de votre fille me donne envie de les voir en
vrai et si je peux vous aider à les faire connaître, je le ferai.

Bien à vous

Laurent Danchin

 

 

 

Le 23 septembre 2015

Chère Madame,

J’ai reçu hier votre courrier, avec les très belles photos des œuvres de votre fille (je vous les renverrai si vous le désirez mais si je peux les garder, cela me permet de montrer son travail autour de moi).

 

Même impression : sensibilité, finesse, raffinement même et culture complexe, donc un univers où on peut se perdre et rêver.

 

C’est une grande artiste et ses écrits, d’une très bonne tenue, montrent une personne au monde intérieur d’une grande richesse et d’une belle exigence aussi, à la limite du mysticisme. On sent qu’elle était sur un chemin qui était loin d’avoir développé tout ce qui était en elle, et elle le savait…

 

Avec toute ma sympathie.

 

Laurent Danchin




 

Rencontre Chez Laurent et vernissage à

la Halle St Pierre

Le 14 octobre 2015

chère Madame

je m'étais absenté une semaine et je viens de revenir. J'ai bien reçu votre beau
dossier et les magnifiques photographies des oeuvres, si raffinées, si riches et
si sensibles, de votre fille.

Prévenez moi des jours où vous pensez venir à Paris que nous puissions prendre
rendez-vous : j'aimerais vous rencontrer et voir les oeuvres "en vrai". Mais
j'ai un ou deux rendez-vous médicaux en novembre et je ne suis pas disponible
tous les jours.

 

 

Le 15 janvier 2016

merci à vous, ça va mieux aujourd'hui, je suis heureux de voir que vos efforts
remarquables en faveur de l'art de votre fille portent leurs fruits.

Bonne suite et bien amicalement

Laurent Danchin

 

 

Le 1 mars 2016

chère amie,

magnifique ce que vous faites pour la mémoire de votre fille et son art.

Je transmets.

Je viendrai à l'expo de la HSP.

A bientôt

Laurent Danchin

 

 

Le 26 avril 2016

chère amie,

bravo pour tous ces succès.

On  se verra au  vernissage le 19 mai

A bientôt

L. D.

 

 

 

Parallèle entre la maladie de Laurent

et la maladie de Christine

le 23 août 2016

Très chère madame
Pour rétablir la perspective, l’ « agréable été » que vous me souhaitez est en fait la suite d’un calvaire médical qui dure maintenant depuis un an et demi… J’ai fait récemment une mauvaise rechute et je suis désormais handicapé de tout le coté gauche, avec en plus de terribles douleurs musculaires dans le dos, et obligé d’utiliser un logiciel de reconnaissance vocale pour poursuivre mon livre et ma correspondance..  Ce qui, soit dit en passant, me rapproche de ce qu’a dû souffrir votre fille, d’une façon différente…

Cela dit, pour vous aider et vous encourager  dans vos remarquables efforts de mère dévouée au talent de sa fille malade,  je ne peux vous proposer qu’un court texte dont le titre vient de me venir et qui s’appellera tout simplement « Nature d’artiste », et qui parlera, non des artistes (il y en a tellement !), mais des hypersensibles, « borderline », comme l’était votre fille.
Quel est vottre délai ?  Je suis maintenant entièrement consacré à mon livre, que je voudrais avoir terminé pour la rentrée littéraire de l’automne 2017, soit dans un an.
Avec toute ma sympathie

Bien amicalement

Laurent Danchin


P. S. toutes mes vidéos sont désormais accessibles par la page d’accueil de mon site : 
www.mycelium-fr.com

http://www.mycelium-fr.com/#/labecedaire-de-mycelium-1/1004581303

Il y en a une sur la santé mentale ? la schizophrénie et les bipolaires.  Et une sur le  lmites de la psychanalyse.

 

Bonjour, cher Monsieur,

Je vous dis merci, avec beaucoup d'émotion. Un grand merci...

Oui, Christine a vécu un calvaire comparable au vôtre. Elle a passé 2 ans en soins palliatifs dans un hôpital près de St Etienne, avec, à mi parcours, un retour de quelques mois chez elle. Elle a souffert, physiquement et psychiquement, à un point qu'elle ne montrait jamais. Elle essayait toujours de protéger les autres, en particulier sa maman. Je crois que le plus difficile a été de supporter la déformation de son corps. Les métastases au foie provoquent de l'ascite qui gonfle le ventre devenu énorme. Pire qu'une femme à la veille d'accoucher. Le phénomène est infernal : une ponction hebdomadaire de 6 à 9 litres ne la soulageait qu'un jour ou deux car l'ascite revenait sans cesse et le ventre ne diminuait pas d'une façon significative et visible. On peut imaginer la souffrance pour une jeune fille qui était belle, une ancienne danseuse.

Elle a toujours gardé son sens des autres. Un jour, sa grand-mère, ma maman, qui n'avait pas retenu le cancer , lui demandait si elle avait fait ses courses. Je l'ai entendue raconter, du fond de son lit d'hôpital, les détails de sa sortie en ville... Parfaitement crédible !

Tous les soirs, je notais scrupuleusement ses paroles de la journée.

Et puis, après son décès, quand j'en ai trouvé la force, j'ai écrit. C'est le vécu de la maman mais toutes les citations sont exactes.

J'ai écrit pour ne pas perdre sa mémoire, ni la déformer.

Lorsque je suis allée chez vous, je vous ai laissé un "manuscrit". Son vécu de la maladie et de l'hôpital est transcrit à partir de la page 154.

Je n'ose évidemment pas vous imposer un délai pour "Nature d'artiste".

Avant de vous faire cette demande, je pensais tout déposer chez l'imprimeur fin septembre 2016. Mais votre délai sera le mien.

Merci aussi de m'avoir donné le lien pour accéder à vos vidéos.

Je vous adresse mes plus amicales pensées.

M-C Busso

 

 

 

Votre réponse est bouleversante, je vais écrire le plus vite possible, mais ce ne pourra pas être très long, Jje vais lire le passage de votre texte que vous m'indiquez mais ma prope vie ou survie devient une lutte pénible et compliquée et j’ai peu de temps, mais pour vous et votre fille je le trouverai. L D

 

 

Je suis très émue.

Je ne voulais pas vous bouleverser. Juste partager.

A mon tour d'être bouleversée par votre générosité.

Amitié, bien sincère.

M-C Busso

 

 

"Nature d'artiste"

 

Le 4 septembre 2016

Chère madame,
est-ce que ce simple mail (fichier joint ) où j'ai mis tout ce que j'avais à dire sur vous et votre fille
ne serait pas plus vivant, comme préface qu'un nouveau texte qui s'en inspirerait et perdrait sa spontanéité ?


Bien amicalement

Laurent Danchin

 

 

 

Christine Busso

 

Chère Marie-Claude Busso,

 

Je ne pouvais pas entreprendre le petit texte que je vous ai promis sur l’univers si sensible de votre fille Christine sans lire le magnifique manuscrit de la biographie que vous lui avez consacrée. Je viens de m’y plonger trois jours, j’ai pris de nombreuses notes, et je voulais vous dire toute mon admiration pour cet ouvrage, magnifiquement conçu et monté, toujours sur un ton direct, simple et clair, avec la pudeur d’une mère aimante qui tente, par cet énorme et épuisant travail de mise en ordre de ses archives, de calmer un peu son chagrin….

 

C’est un  témoignage bouleversant sur le martyre d’une  artiste hypersensible, voire borderline dont la spiritualité intransigeante, confinant à une forme de  mysticisme qui devait la conduire non au couvent mais en psychiatrie, a été rejetée  sans ménagement par l’idéologie profondément anti-humaniste de l’art  contemporain, qui prédomine dans les écoles d’art, les musées et les galeries depuis des décennies.  

 

 

Accablée sans répit par une série de malheurs, dont la mort du père, par suite d’une effroyable et honteuse erreur médicale couverte lâchement par la Faculté, est un des épisodes les plus tragiques, elle poursuit, comme tous les vrais créateurs, contre vents et marées, après avoir dû interrompre une première carrière de danseuse, sa mission de  « désignée », à la recherche de son Graal personnel, « produire la musique-couleur », alliance de la musique et de la peinture, pour « donner corps au rêve » et rejoindre « le chant et la peinture des anges » au Paradis, et apporter aux hommes et au monde « Beauté – Consolation – Lumière ».

 

 

Finalement, elle  laissera après sa mort, à 41 ans, foudroyée par un cancer qui l’aura torturée comme une montée au Calvaire pendant trois ans, une œuvre savante, subtile et cultivée se déroulant par cycles, dont sa mère se faisant l’exégète, par un habile usage d’extraits  de ses carnets d’atelier, s’efforce de déchiffrer les secrets, souvent proches de l’ésotérisme. Certains   passages de ces carnets sont plus beaux, car d’expression plus raffinée, que les meilleurs morceaux des écrits d’Aloïse Corbaz, la grande mystique de l ‘art brut…

 

 

En tout 1300 à 1500 travaux, réalisés en vingt ans – pastels, aquarelles, peintures, feuilles mortes peintes ou papiers froissés, sans compter les croquis et quelques sculptures, dont une monumentale : le produit, souvent magnifique, d’un parcours, hélas, trop chaotique et contrarié pour avoir pu se développer harmonieusement jusqu’à son épanouissement  naturel.

 

Bravo à la mère de Christine d’avoir eu l’endurance de tirer de l’oubli ce petit trésor de l’histoire de l’art et honte à ceux qui n’ont pas su, ou pas voulu, au bon moment, encourager son auteur et assurer sa promotion.  

 

                                                                       Laurent Danchin

 

 

 

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© Marie Claude Busso